Il était une foi

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Je me réveille avec une gueule de bois infernale ce matin. C’est à peine si je me souviens de ce qui s’est passé la veille, ce n’est qu’en regardant autour de moi que je me remémore la petite party faite chez moi en mon honneur par mes collègues. Un amoncellement de bouteilles, des cadavres de pizzas jetées à terre et les débris de pétards étalés sur tous les meubles. Je ferme les yeux en espérant qu’un miracle survienne pour me débarrasser de la corvée digne du bagne qui m’attend. Je les ouvre : rien. Je rampe jusqu’à la salle de bain, à moitié nue ; je m’accroche au lavabo comme un zombie et active la douche. Les premières gouttes se déversent comme un élixir magique qui me lave de cette souillure qui me ronge. Je jette un coup d’œil, et j’aperçois le miroir qui me fait une grimace…J’aimerais me décoller la peau, m’arracher la face que je ne reconnais plus… Qui suis-je ?

Je ne sais plus. Pourtant j’ai tout pour être heureuse. : Le métier de mes rêves, j’habite à Paris, ville des lumières dans un somptueux appartement et pourtant mon cœur est éteint.

J’essaie de ne pas sombrer dans une crise existentielle qui ne ferait que me donner le cafard.

L’alcool de la veille se dissout petit à petit et sort de mes veines en coulant sous la douche : je suis des yeux le tourbillon d’eau qui tourne et m’emmène avec lui dans un monde parallèle. Si je pouvais comprendre mon mal…

Je suis née dans une famille riche et marocaine, casablancaise endurcie, mes belles études ont fait de moi une jeune femme francisée jusqu’au bout des doigts. Mes parents sont si fiers de moi qu’ils m’ont laissé vivre ma vie comme je l’entends. De même pour ma sœur qui vit aux USA depuis cinq ans…

On sonne à la porte. C’est mon amie Houda qui vient me chercher, nous allons aller voir l’imam, à la grande mosquée, pour ses prochaines noces. Le temps que je me débarbouille et m’habille en lui jurant de ne rester que quelques minutes, car j’ai du taf pour demain.

Nous arrivons grâce au GPS : c’est la première fois que je mets les pieds dans une mosquée à Paris. L’imam, encore jeune, nous accueille avec une gentillesse qui me trouble, moi qui suis en jupe courte et débardeur. Il est grand, bel homme et a de belles mains blanches qu’il tenait dans une pudeur d’Agnès. Je n’ai pas pu voir la couleur de ses yeux qu’il baissait tout le long de l’entretien. Mais c’est le parfum de musc ambré qui m’enivra un moment et me laissa errer dans la mosquée d’une beauté andalouse. Avec sa permission je parcourus les longues allées en admirant les arcades et la calligraphie que j’étais incapable de déchiffrer. Je touchais le stuc et le marbre en rêvassant : Quel calme ! Quelle sérénité !

Mais je n’appartenais pas à ce monde. Moi, qui m’étais battue pour être à l’égal des hommes, je suis devenue une androgyne handicapée. Je vis des livres en français sur l’Islam, dans la bibliothèque de l’imam. Il comprit je ne sais comment ma curiosité, lui, qui semblait ne pas me regarder. Il m’offrit trois livres que je pris sans mot dire: un merci. C’est tout.

Et voilà le début de mon histoire d’amour. Depuis le jour- là, ma vie avait complètement changé : j’aimais ! Follement ! Sans limites. Je me rendais à cette mosquée tous les jours, je pris un congé, et j’y passais mes journées. Je voulais sentir sa présence, mais surtout qu’il sût que j’étais là pour lui. J’avais changé de style pour lui, car il aimait la pudeur, j’étais prête à tout pour qu’il m’aimât en retour. Moi qui n’avais jamais prié, je goûtais à la paix de la prosternation et à la purification des ablutions. Je déposais tous mes maux à terre et me relevais vidée et libre. J’étais enfin guérie après des semaines de manque dû à la nicotine et à l’alcool. Mais l’amour intense fut un sédatif efficace.

J’eus une dure dispute avec mes parents par téléphone, ils ne comprenaient pas ce revirement de comportement et étaient inquiets pour moi. Je les comprends moi. Mais je l’aime plus que tout maintenant. Plus que moi-même. Il était la pièce manquante du puzzle de ma vie : je ne désirais plus rien de celle-ci , sinon lui. Il le savait. Juste en fermant les yeux je ressentais cet amour infini, cette volupté déferler sur mon visage et m’emplir de joie. La mort aurait pu venir à moi à ce moment-là : cela ne m’importait pas car je l’aimais avec mon âme. Et si cela arrivait : je deviendrais la martyre de la passion. J’appris à le connaitre, à me renseigner sur ce qu’il aime et qu’il déteste. Je voulais être parfaite pour lui et le mériter. J’écoutais ce qu’il disait attentivement et j’apprenais ses mots, ses phrases que je répétais tout au long de la journée. Ce qui fit fuir toutes mes amies. Personne ne peut me comprendre. Non, personne ! Sauf lui.

Je fus obligée de démissionner de mon travail qui ne cadrait plus avec ma nouvelle vie et mon nouvel amour. C’était comme une naissance pour moi, j’étais un cadavre vivant avant ce jour- là. Il me fut facile de prendre un job qui m’allât comme un gant vu mon expérience. Pour ne plus être vue et éviter ainsi les commentaires désobligeants. Ils sont jaloux : C’est tout.

Je me suis rendue à la mosquée ce matin. Je repense à ma situation : je suis venue d’un pays dit « musulman » et j’ai découvert l’islam en un pays dit « mécréant » : étrange !

J’ai acheté un cadeau à l’imam. J’entre dans son bureau le lui remettre en lui disant que c’est grâce à lui que j’ai trouvé l’Amour, et que je n’oublierai jamais ce qu’il a fait pour moi.

J’ai trouvé l’amour de Dieu mon bien-aimé. J’ai trouvé la foi.